Cet artcile est repris du site Claves.org : les règles du conclave. Nous remercions les auteurs qui nous ont autorisé à le reproduire ici.
Le conclave, lieu moment solennel et mystérieux où les cardinaux se réunissent pour élire un nouveau pape, se déroule selon un processus codifié de longue date, qui trouve ses racines dans l’histoire de l’Église. L’ensemble a cependant connu de nombreuses évolutions, tout en conservant la dimension sacrée de la monarchie pontificale. Nous revenons ici sur les règles du conclave et les modalités de l’élection papale, en prenant en compte les derniers changements, introduits par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI.
L’édition actuelle de la constitution Universi Dominici Gregis
Le 22 février 1996, le pape Jean-Paul II a promulgué la constitution apostolique Universi Dominici Gregis sur la vacance du siège apostolique et l’élection du pontife romain. Cette constitution, toujours en vigueur aujourd’hui, régit les règles du conclave et a été modifiée par Benoît XVI en 2007 en 2013 pour revenir aux principes du concile de Latran III en 1179, qui stipulent que l’élection d’un pape doit toujours se faire à la majorité des deux tiers des votes des cardinaux électeurs.
Avant cette révision de 2007, l’article 75 de Universi Dominici Gregis permettait qu’une élection soit validée par la majorité absolue (plus de la moitié des voix) après 30 tours infructueux. Avec la réforme de Benoît XVI cette clause a été supprimée : la majorité des deux tiers redevient donc une condition impérative pour l’élection du Souverain Pontife.
Qui sont les cardinaux électeurs ?
Le conclave est constitué des cardinaux électeurs, qui doivent avoir moins de 80 ans. Le nombre de cardinaux appelés à élire un nouveau pape a considérablement augmenté depuis le Moyen Âge. En 1586, le pape Sixte Quint fixait le nombre maximal de cardinaux à 70. Depuis, les papes successifs, notamment Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, ont régulièrement augmenté ce nombre, atteignant actuellement un plafond de 120 cardinaux électeurs (allègrement dépassé encore, puisque 133 électeurs sont attendus pour le conclave de 2025).
Puisque les cardinaux représentent à l’origine le clergé de la ville de Rome (réuni pour élire son évêque), ils sont traditionnellement répartis en trois catégories : les cardinaux-évêques (titulaires de diocèses suburbicaires autour de Rome), les cardinaux-prêtres (titulaires de paroisses romaines) et les cardinaux-diacres (titulaires de diaconies romaines). Les patriarches des Églises orientales catholiques sont également assimilés à des cardinaux.
La vacance du siège apostolique
Lors de la vacance du siège apostolique, après la mort ou la démission du pape, le gouvernement de l’Église catholique revient au Collège des cardinaux. Ils sont responsables de la gestion des affaires courantes et de la préparation du conclave. Pendant cette période, les chefs des dicastères de la Curie romaine cessent leurs fonctions, à l’exception du cardinal camerlingue et du grand pénitencier, qui soumettent au collège des cardinaux ce qui aurait dû être référé au Souverain pontife.
Le rôle du camerlingue, assisté de la Chambre apostolique, est d’assurer la gestion des biens et des droits temporels du Saint-Siège jusqu’à l’élection du nouveau pape. Il doit également veiller à l’administration du Vatican, bien que cette responsabilité soit limitée au temps de vacance du Siège. Le Collège des cardinaux peut, en cas de nécessité, prendre des décrets qui ne seront valides que si le futur pape les confirme.
Les congrégations générales et le conclave proprement dit
Avant l’entrée en conclave, les cardinaux se réunissent lors de « congrégations générales », qui sont des séances de prière, de réflexion et de partage d’opinions sur les enjeux de l’Église. Ces congrégations durent généralement une semaine, au cours de laquelle les cardinaux se préparent à l’élection. Les discussions sont strictement confidentielles, et les cardinaux n’ont pas le droit de faire des déclarations publiques.
Les congrégations générales sont suspendues lors des funérailles du pape, mais l’élection ne peut pas commencer avant que l’on ait respecté la période des « novemdiales », les neuf jours de deuil suivant la mort du pape. Ainsi, l’entrée en conclave doit avoir lieu entre 15 et 20 jours après la vacance du siège apostolique.
Le jour du conclave, après la messe pour l’élection du pape, les cardinaux électeurs se dirigent en procession vers la chapelle Sixtine. Là, ils prêtent serment sur les Evangiles de conserver la confidentialité et de respecter le processus électoral. Le cérémoniaire du Vatican ferme alors les portes en annonçant « extra omnes », signifiant que seules les personnes autorisées (les cardinaux électeurs) peuvent rester dans la chapelle.
Le processus de vote
Deux fois par jour, les cardinaux se réunissent pour un scrutin. Les votes du conclave se font par scrutin secret. Chaque cardinal inscrit sur un bulletin de vote portant déjà les mots « Eligo in Summum Pontificem » le nom du candidat qu’il souhaite élire et le scelle. Les bulletins sont ensuite recueillis et comptés. Si un cardinal obtient les deux tiers des voix, et moyennant son acceptation de la charge pontificale, il est élu pape. Si le vote ne permet pas d’obtenir une telle majorité, on procède immédiatement à un deuxième tour. En cas de scrutins infructueux, une fumée noire est envoyée par la cheminée de la chapelle Sixtine pour indiquer que l’élection n’a pas abouti. Lorsque l’élection a lieu, une fumée blanche s’échappe de la cheminée, signalant la conclusion du conclave.
Il existe une règle d’exception selon laquelle, si après sept tours de scrutin (à raison de deux par jour), aucun candidat n’atteint les deux tiers des voix, une pause est observée pour offrir aux cardinaux un temps de prière et de réflexion. Si après trois pauses, l’élection n’est toujours pas conclue, les deux cardinaux ayant recueilli le plus de voix deviennent les seuls candidats éligibles. À partir de ce moment-là, ces cardinaux ne participent plus au vote.
Durant le conclave, les cardinaux électeurs sont logés à la résidence Sainte-Marthe, située derrière la salle des audiences (salle Paul VI). Un nombre restreint de personnes, prévu par la constitution de Jean-Paul II, sont admises au service du conclave: cérémoniaires, religieux, médecins, personnel de service… Ils sont également soumis à une prestation de serment et à une obligation de stricte confidentialité.
L’acceptation et la proclamation
Sur le principe, le collège cardinalice est entièrement souverain dans l’élection du Pontife romain, il pourrait choisir qui il voudrait (même hors de son sein), dans la limité de quelques conditions issues du droit divin interprété par l’Eglise : que l’élu soit un homme, baptisé, catholique (ni hérétique ni schismatique), ayant l’usage de sa raison, apte à devenir évêque s’il ne l’est pas encore (donc célibataire ou disposé à le devenir). Dans les faits, les cardinaux choisissent depuis longtemps un élu dans leurs rangs. Aucune procédure de dépôt de candidature n’est cependant prévue : la providence est présumée s’en charger.
Lorsque l’élection est acquise, le doyen du Collège des cardinaux demande au cardinal élu s’il accepte son élection comme souverain pontife. Si le cardinal accepte, il est ensuite interrogé sur le nom qu’il choisit de prendre. Le conclave prend fin immédiatement après l’acceptation, les cardinaux s’avancent vers le nouveau pape pour lui rendre hommage et lui faire acte d’obédience, et le cardinal protodiacre apparaît à la loggia de la Basilique Saint-Pierre pour annoncer au monde la nouvelle de l’élection. La célèbre formule « Habemus papam » est prononcée, suivie du nom du nouveau pape et de son nom pontifical.
Le nouveau pape fait sa première apparition publique pour saluer les fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre et leur offrir sa bénédiction apostolique Urbi et Orbi, destinée à la ville et au monde.
Le secret et la légitimité de l’élection
Le conclave est un processus hautement secret. En plus des règles strictes sur la confidentialité des votes, il est interdit de divulguer le contenu des discussions ou de révéler l’identité des candidats avant l’élection. Le secret est fondamental pour préserver la pureté de l’élection et garantir que l’élu, libre de toute pression extérieure, soit choisi en toute conscience des cardinaux. La constitution de Jean-Paul II précise que ce secret doit être conservé après le conclave et l’élection.
Concluons sur un élément important : bien qu’électif, le processus de désignation du pape, vicaire du Christ, confère une légitimité théologique fondée sur l’institution de Jésus et la tradition de l’Église. Ainsi, bien qu’élu par eux, le souverain pontife n’est pas simplement le représentant des cardinaux : ce n’est pas du collège cardinalice qu’il reçoit sa légitimité, car son autorité vient de Dieu. La monarchie pontificale, bien qu’élective, est de droit divin : l’élection ne confère pas une légitimité humaine, mais divine, au titulaire du Saint-Siège.
L’institution du conclave, avec ses détails minutieux et son aboutissement théologique, fait partie des éléments mystérieux de la constitution humaine et divine de l’Eglise. Sa perpétuation au long des siècles est un argument de sa continuité. En ces moments d’incertitude, prier pour l’Église est une manière de participer à ce grand mystère de l’Église universelle, de ses cardinaux et de sa mission.